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27 septembre 2005

Les "riches pauvres" de l'île de Ré et la réforme de l'ISF

(par Jean-Louis Andreani). Ce fut l'une des plus belles opérations de lobbying jamais menées contre l'impôt sur la fortune. En quelques mois, Valérie Constancin, 42 ans, présidente depuis 2002 de l'Association de défense des habitants de l'île de Ré (Adhir), a réussi l'impossible : convaincre politiques et médias que, sur l'île de Ré, des pauvres payent l'impôt destiné aux riches.

Le 8 juin, conférence de presse de l'Adhir à Paris. Le 15, courrier à tous les députés et sénateurs, au président de la République, au premier ministre et aux ministres de Bercy pour demander "la suppression de l'ISF ou, à défaut, sa réforme en profondeur". Et, le 14 septembre, l'annonce par le gouvernement d'une grande réforme fiscale, qui limite de facto le poids de l'ISF. En attendant que plusieurs propositions de loi destinées à alléger cet impôt ne se transforment en amendements au projet de budget, bientôt débattu au Parlement.

L'argumentation de Mme Constancin est simple : elle défend des petits retraités, assujettis à l'ISF parce qu'ils sont propriétaires de maisons ou de terrains touchés par la flambée des prix, spectaculaire dans cette île ultrachic. Certains seraient acculés à vendre leur seul bien, une petite bicoque de pêcheur ou de paysan héritée de leurs parents. Pour un peu, grâce à l'activisme de cette chef d'entreprise très politique, originaire du continent et mariée à un Rétais, l'ISF serait devenu le principal problème social de l'île, loin devant celui des nombreux jeunes contraints de partir, faute de pouvoir payer un logement...

Pourtant, un Rétais aux revenus modestes, propriétaire d'une petite maison de pays avec son bout de jardin, n'est guère menacé par l'ISF. Un tel bien n'atteint pas le seuil actuel de déclenchement de l'impôt (720 000 euros), comme en témoignent les annonces immobilières sur place.

Et même si c'était le cas pour notre petite bicoque aux murs blancs, l'imposition serait très faible. Une maison de 750 000 euros est en effet soumise à un taux d'ISF de 0,55 %, mais seulement pour la fraction de sa valeur au-dessus de 720 000 euros (30 000 euros). Soit un impôt annuel de 165 euros au plus : la résidence principale bénéficie d'une décote de 20 % ; charges de famille et emprunts sont pris en compte. Ainsi, le propriétaire d'une résidence principale de 750 000 euros ne paie rien.

C'est pourquoi les contribuables rétais en délicatesse avec l'ISF sont plutôt propriétaires de plusieurs maisons et/ou de terrains constructibles. Ils y ajoutent parfois un solide patrimoine mobilier (actions, etc.) dont les seuls revenus suffiraient à payer leur ISF : l'un des adhérents de l'Adhir, imposé pour environ 15 000 euros, déclare des valeurs mobilières pour plus de 1,3 million d'euros.

Mais l'ISF est un impôt "déclaratif" , et ces contribuables ne se sont jamais manifestés ou ont sous-estimé leur patrimoine. Les Rétais qui ont vendu un lopin de terre constructible pour payer l'ISF sont, pour l'essentiel, des gros propriétaires redressés par le fisc sur plusieurs années...

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source : lemonde.fr